Il y a deux ans, j’ai pris la décision de ne plus donner de notes chiffrées à mes élèves en dehors de l’obligation d’en mettre sur le bulletin. Pas de notes, mais beaucoup de commentaires précis sur leurs apprentissages : ce qui va bien, ce qui s’est amélioré et ce qui représente un défi.
Je ne vous cacherai pas qu’en début d’année, les élèves vivent un choc et ils cherchent ces chiffres qui les ont si longtemps définis; certains parents aussi d’ailleurs. Ils regardent leur copie et se demandent s’ils ont eu la note de passage. Puis, ils commencent à lire et tout commence à changer.
Maintenant, quand je remets travaux et examens, je n’assiste plus à la traditionnelle comparaison des notes entre les élèves. Fini les «Tu as eu quoi toi ?». Quand je remets les évaluations corrigées, ma classe devient étrangement silencieuse, les élèves tournent les pages et lisent les commentaires écrits à l’encre colorée qui n’est jamais rouge. Les élèves ne sont plus en mode notes, ils sont en mode apprentissage.
À l’aube de mes rencontres de parents, j’ai proposé aux élèves de remplir des autoévaluations assez complètes afin qu’ils puissent réfléchir sur tout le chemin parcouru depuis le début d’année. Lire, écrire, raisonner, résoudre et méthode de travail en classe : tout y passe. On regarde les travaux faits, l’élève identifie ses forces et détermine ses défis pour chaque compétence.
J’ai ensuite demandé aux élèves de «faire leur bulletin». Je leur ai demandé quelle note ils pensaient mériter pour chacune des quatre compétences principales à notre horaire et ils devaient me justifier pourquoi. Croyez-le ou non, la majorité des élèves ont été capables de donner leurs notes avec une différence d’au plus 5 points avec les résultats que j’avais déjà entré dans le système informatique. Mieux encore, ils étaient capables de justifier leurs résultats et de comprendre leur bulletin.
Lors de la rencontre de parents, ce sont les élèves qui ont présenté leurs apprentissages à leur parents; je n’ai eu qu’à compléter quelques informations, répondre à quelques questions. Quand je demandais aux élèves quelles étaient leurs forces et leurs défis, ils ont presque tous dit exactement ce que j’avais prévu de dire à leurs parents. Et on n’a jamais parlé de chiffres ! Aucun n’a dit vouloir monter sa note, mais ils ont été capable de nommer des objectifs clairs et réalisables comme : «faire attention aux accords quand je me corrige», «développer plus mes idées», «prendre le temps de vérifier mes calculs» ou mon préféré «me faire plus confiance».
Les élèves commencent donc cette dernière ligne droite de l’année en sachant exactement ce qui doit être travaillé, ce qui doit être amélioré et ce qui constitue les forces sur lesquelles construire le tout. Mes élèves ont compris qu’ils ont beaucoup plus de valeur qu’une moyenne ou une pondération effectuée à partir de colonnes de chiffres dans un cahier de consignation. Ils ont compris qu’ils sont des êtres uniques ayant tous plusieurs forces et quelques défis. Ils ont compris que leur réussite était entre leurs mains et que je n’étais qu’une guide.
Il y a deux ans, j’ai pris la décision de ne plus donner de notes chiffrées à mes élèves et c’est une des meilleures décisions de ma carrière.